Un vacciné et un non-vacciné sont sur un bateau...

Publié le 08/01/2022

Imaginez que vous êtes en voyage sur un bateau et que malheureusement, celui-ci se met à couler. Panique générale, tout le monde se rue sur les canots d’urgence. Sauf que voilà, problème, il n’y en a pas assez pour tout le monde. Ce qui est “amusant” dans l’histoire, c’est que vous saviez très bien qu’en cas d’accident, le nombre de canots ne serait pas suffisant. Cela fait des années que les personnels des bateaux manifestent pour plus de moyens et de sécurité dans leur travail. Vous en avez souvent entendu parler aux infos. Mais malgré ces nombreuses alertes, ni le gouvernement ni les responsables maritimes n’ont fait quoi que ce soit. Pire, ils ont même continué à supprimer des canots alors que de nouveaux naufrages survenaient régulièrement par vagues depuis deux ans. 

Bref, toujours est-il que maintenant vous êtes sur ce bateau en train de couler et que tout de même, vous aimeriez bien avoir une place dans un canot. Ce qui se comprend parfaitement. 

La stratégie annoncée par le capitaine est simple : les enfants et les personnes en faible condition physique sont prioritaires. Ceux qui n’ont pas de place devront patienter dans l’eau le temps que les secours arrivent, ou qu’une personne suffisamment reposée libère une place dans un canot. Evidemment, ceux qui ne savent pas nager seront prioritaires également. Le personnel sera chargé de faire le tri et d’organiser tout ça tout en maintenant le calme.

Par chance, vous êtes bien placé dans la file et vous allez normalement obtenir une place dans un canot, bien que vous ne soyez pas prioritaire. Sauf qu’au dernier moment, on attribue la place qui allait vous revenir à une personne qui ne sait pas nager. La colère vous monte. Forcément, vos chances de survie sont moindres si vous devez rester dans l’eau froide de l’océan un temps indéfini, à la seule force de vos bras et de vos jambes. Si elle était arrivée juste après, vous auriez eu la place… C’est injuste, après tout, est-ce de votre faute si cette personne ne sait pas nager ? Et puis pourquoi elle n’a pas appris à le faire ? Ce n’est pas comme si les piscines et les maitres-nageurs manquaient en France ! C’est un service complètement accessible. Parce qu’elle ne s’est jamais décidée à apprendre, elle aurait droit à votre place ?

Mais s’il faut en chercher une, à qui la faute dans cette histoire ? Et est-ce vraiment VOTRE place ? S’il semble évident que cette personne a une responsabilité dans le fait de ne pas avoir appris à nager, après tout chacun doit assumer ses choix, pour autant nous ne connaissons rien de ses raisons. Y a-t-il des facteurs sociaux qui font que certaines catégories de personnes apprennent moins à nager ? Y a-t-il eu des événements qui, à tort ou à raison, ont entamé la confiance de certaines personnes dans les piscines ? Si vous survivez à cette histoire, ce serait une question intéressante à creuser.

Et qu’en est-il de la responsabilité des personnes qui ont supprimé des canots ? De celles qui refusent d’investir dans le domaine malgré un personnel en grande souffrance depuis des années ? Et de nous tous qui laissons faire ? Dans la colère, on voit surtout celui qui “vole” la place. Mais le problème n’est-il pas tout simplement qu’il n’y a pas assez de places pour tout le monde ? Même si les naufrages sont rares, nous savons qu’ils existent. N’est-il pas du rôle de nos dirigeants de s’y préparer correctement ? D’autant plus quand des problèmes surviennent depuis deux ans déjà, il est alors inacceptable de justifier le manque d’anticipation par un soi-disant effet de surprise.

Il est indéniable que si cette personne avait choisi d’apprendre à nager, vous auriez eu la place. Mais dans la situation présente où elle est plus en danger que vous, que faut-il faire ? La laisser se noyer sous prétexte qu’elle n’aurait pas fait le bon choix ? Si nous commençons à réfléchir à sauver des vies en fonction du mérite des personnes, pour être équitable il faudrait alors ajouter d’autres critères, comme les bonnes actions réalisées pour la société, l’utilité du métier pratiqué, le fait d’avoir une famille ou non, le soin apporté à sa santé en général, l’espérance de vie… Mais ce raisonnement a-t-il une fin ? Est-il possible de se mettre d’accord sur de tels critères ? D’y trouver une réponse juste ? 

Il est tentant de désigner un coupable, et les non nageurs sont une cible idéale puisqu’il est parfaitement vrai que s’ils avaient appris à nager, cela libèrerait des places pour les nageurs les moins résistants. C’est indiscutable, et nos dirigeants ne manquent pas de le rappeler. Mais cela reste une réponse un peu facile et très partielle, car même si tout le monde était nageur, il faudrait tout de même se partager les places disponibles et il n’y en aurait de toute façon pas assez pour tout le monde. En effet, ces dernières années le gouvernement a très clairement montré qu’il ne comptait pas investir durablement dans le domaine. Le doute n’est plus permis sur cette question.

La seule réponse possible à cela n’est-elle pas de s’assurer qu’il y ait au départ assez canots pour tout le monde ? Ne devons-nous pas en conclure que même si cela coûte cher, le choix du nombre de canots sur un bateau ne peut pas être le fruit d’un raisonnement financier ? Qu’au contraire, il doit être défini uniquement en fonction du nombre potentiel de personnes à sauver ? Que cela doit être une voie à défendre de façon prioritaire, absolue, quoi qu’il en coûte ?

Ne devons-nous pas reconnaitre qu’accuser et punir les personnes qui refusent d’apprendre à nager est un raisonnement facile ? Que si nous tombons dans cette logique, il faudrait alors par extension accuser et punir toutes les personnes qui ne prennent pas soin d’elles et qui augmentent leur chance d’avoir besoin d’un canot un jour ? Que cette logique est inhumaine et sans fin ?

Avec tous ces naufrages depuis deux ans, les non nageurs sont systématiquement stigmatisés et accusés d’être responsables du manque de places dans les canots. Le président a même dit, avec beaucoup de violence, qu’il avait très envie de les emmerder. L’idée ici n’est pas de leur enlever toute responsabilité, un non nageur qui prend une place dans un canot a bien sa part de responsabilité qu’il doit assumer. Mais est-il juste de critiquer tous les non nageurs sans discernement ? Un non nageur qui fait très attention en ne prenant le bateau que lorsque c’est vraiment nécessaire et qui porte bien son gilet de sauvetage est-il nécessairement un irresponsable ? Aussi, est-il juste de faire porter toute la responsabilité aux non nageurs ? 

Si l’on appelle à la responsabilité citoyenne comme le fait notre président, celle-ci ne devrait-elle pas s’appliquer, en tout premier lieu, à ceux qui ont un pouvoir de décision sur le nombre de canots disponibles ?

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